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Muir Wall Yosemite

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26 janvier 2018

Une petite vidéo de l'aventure

J'ai mis le temps, mais voici la vidéo de l'ascension: 

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4 juillet 2016

Le retour

2016-06-13 13

PHOTOS

Rédigé par Chapi

Le lendemain de notre ascension, nous retournons à l’Ahwahnee hôtel pour attendre Sergio et Tony qui sont allés grimper The South Face à Washington Column. Nous n’avons aucun moyen de les contacter. Du coup, pour attendre, nous allons déjeuner dans la magnifique salle de restaurant de l’Ahwahnee. Puis, nous allons cuver notre vin dans les canapés douillets du grand salon. J’avais dit à Fab que si nous sortions au sommet, nous irions dormir à l’Ahwahnee. Ça aussi, c’est FAIT !

L’heure tourne. Sergio et Tony ne sont toujours pas là. Nous décidons d’aller faire une petite rando en les attendant. Mais en empruntant le chemin de randonnée juste derrière l’hôtel, nous croisons nos deux camarades après seulement deux minutes de marche. Ils ont l’air encore assez bien en forme. Pourtant, ils nous expliquent qu’ils ont été pris pas par l’orage en pleine paroi, et malgré leur tente, ils ont baigné dans dix centimètres d’eau toute la nuit. 

Le voyage se termine par une petite visite de San Francisco : musée d’art moderne, promenade sur la baie, bar à vin, restaurant. Voilà, l’aventure est finie, mais quelle sera la prochaine ?

Photo 15

3 juillet 2016

L'aventure continue.

 

Arrivés au sommet sous l'orage, il fait froid et nous sommes trempés jusqu'au slip. Le retour en vallée est une épreuve de résistance physique: 5 heures de marche sous la pluie avec des sacs de 30 kg sur le dos après 7 jours de grimpe dans El Capitan. Chaque arret est un soulagement pour le dos mais immédiatement les tremblements de froid nous gagnent. Enfin nous retrouvons la civilisation. Nous n'avons qu'une seule envie prendre une douche et dormir au sec. Mais petit soucis, pas moyen de communiquer avec Sergio qui a la voiture. Du coup l'aventure continue. Nous sommes sans voiture, sans argent, sans papiers d'identité, sans téléphone (plus de batterie) et il est environ 18h. il nous faut une solution rapidement. Notre allure interpelle les gens qui nous questionnent sur notre aventure. La phrase magique est “nous avons gravi El Capitan, et nous n'avons plus rien”. Si bien que certains nous prêtent des chargeurs de portable, nous donnent de l'argent, et nous réussissons même à nous obtenir une tente à Curry Camp (mais nous sommes obligés de remettre nos habits sales et trempés après la douche). Puis, les SMS pleuvent sur les téléphones. Sergio nous a laissé la voiture avec les clefs au Majestic Hôtel. On fonce la récupérer et nous célébrons notre succès en engloutissant des pizzas bien grasses et des bières. Bref, après 7 jours de survie, nous redécouvrons les petits plaisirs simples de la vie.


Toute l'histoire de notre aventure sera raconter jour par jour un peu plus tard. Vous découvrirez comment nous avons cru devoir faire demi tour à la 27 ème longueur mais finalement réussi.

3 juillet 2016

Jour 7: L'ascension finale

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PHOTOS

Ecrit par Chapi.

Il a plu et venté toute la nuit. Avec la tente fermée, l’humidité s’est condensée contre la paroi intérieure, et du coup, le duvet de Fab est trempé. J’ai du mal à me motiver à sortir. J’entends encore la pluie frapper contre la tente et comme je dois grimper la prochaine longueur en libre, je ne suis pas pressé de me retrouver dans la galère. Au bout, de quelques minutes, je me dis qu’il faudra bien sortir à un moment ou un autre. J’ouvre alors la tente. Il pleut mais pas autant que je le pensais. Allez, on sort pour le petit dej. Pendant que nous mangeons nos miettes de muffins écrasés, nous scrutons l’horizon. Visiblement, il pleut à peu près partout. Je me prépare à deux à l’heure. La pluie semble s’arrêter mais je ne me sens toujours pas motivé. Quand finalement vient le moment de se lancer, je tâte le rocher et constate avec plaisir que le granit n’est pas trop glissant. Je remonte la corde fixe laissée par Fab la veille. « Le relais est pourri, je l’ai renforcé avec des friends » me dit-il.  Quand j’arrive en haut, la situation ne me rassure pas. Je dois tout déséquiper pour faire ensuite un pendule sur ce relais merdique. Je le renforce en ajoutant quelques sangles entre les deux vieux pitons et le petit coinceur douteux qui forment ce relai. Puis je ramasse tout notre matériel que je renvoie à Fab.

C’est parti pour le pendule vers la gauche. J’y vais doucement pour ne pas brusquer le relais. J’atteins une belle fissure une dizaine de mètres en contre-bas. J’y place deux friends pour m’assurer, enfile mes chaussons d’escalade et rappelle ma corde. Maintenant, c’est la grimpe en libre. C’est assez facile mais après plusieurs jours de grimpe en artif, je ne peux m’empêcher de serrer les prises très forts. Au bout de cette fissure, je trouve un autre piton sur lequel je dois encore faire un petit pendule. Cinq mètres plus bas, il y a encore une traversée en adhérence, courte mais pas évidente. Je trouve un emplacement pour un petit friend. Avec toutes ces manipulations, j’ai malheureusement réussi à faire un Z avec ma corde d’assurage, si bien que je dois en plus gérer un gros tirage. J’avale de la corde pour faire ce pas en adhérence. Ce n’est vraiment pas facile. Du coup, je tente de passer un peu haut où j’espère trouver quelques prises de mains sur un plat au-dessus de ma tête, j’avance les pieds, puis les mains. « Tiens, y a pas de prise de main sur ce plat ??? » je trouve seulement un petit graton sur lequel, je fais un changement de main, mais rapidement je réalise que je suis dans une impasse. Je tente de faire demi-tour… et trop tard… je chute… heureusement le petit friend m’a retenu. Je ne suis tombé que de cinq mètres.

Deuxième tentative. Je profite de mon petit friend en tirant sur sa sangle pour me décaler autant que possible sur la gauche. Ce petit point d’aide me permet d’atteindre la belle terrasse qui mène tranquillement au relais. Super ! Je me sens mieux.

Maintenant que faire. Sur le topo, il est conseillé de laisser les sacs au relais précédent pour ensuite les hisser depuis le relais au-dessus de notre tête. Mais avant d’atteindre ce relais, je dois encore grimper une longueur en C2. Un petit calcul des longueurs en jeu me permet d’estimer que nous devrions avoir assez de corde statique pour laisser une partie sur les sacs et gérer le transfert de matos dans la longueur suivante. Je crie à Fab de laisser les sacs au relais.

Il s’arrange pour les accrocher en bout de corde de manière à ce qu’ils puissent se lever sans s’emmêler. Il faut aussi qu’ils soient suffisamment bien posés pour ne pas tomber dans le vide alors que l’on grimpe.

Fab remonte ma corde et peste quand il voit que j’ai fait un Z. Cela lui complique la tâche pour déséquiper. En plus, il doit faire très attention à ce que la corde statique ne se coince pas derrière une écaille qu’il a repéré. Dès qu’il me rejoint, je repars dans la longueur suivante. J’arrive à grimper une bonne partie en libre. Il n’y a qu’un seul pas compliqué que je passe en artif avec un petit friend. La paroi se couche, j’aperçois la fin. Après 15 mètres de marche, j’atteins le relais. Les difficultés sont terminées.

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Pendant que Fab déséquipe la longueur, je m’assoie sur les dalles et admire le paysage. Je me perds dans mes pensées. Quelle chance d’être ici, que c’est beau et quelle aventure. ON L’A FAIT ! Bientôt, nous retournerons à la civilisation. Je repense à Lorraine, aux enfants. Ils me manquent. Quand Fab arrive, il me voit ainsi immobile et me lance un peu inquiet « Ça va ? ». Je réponds par un petit « oui » avec la gorge serrée. En fait, je suis envahie par l’émotion. Je suis vraiment trop content d’avoir réussi et d’avoir partagé cela avec Fab. Il me rejoint ; s’en suit une séance d’autocongratulation et de photos.  

Nous arrivons à hisser nos sacs comme prévu. Génial ! Puis nous les refaisons entier, car nous devons les porter pour la dernière longueur qui n’est pas assez raide pour permettre un hissage. Nous  laissons quatre bidons d’eau pour de futurs assoiffés. Pendant ce temps, la pluie fait de nouveau son apparition. Au moment de repartir, les dalles débonnaires qui mènent à la sortie de la voie se sont transformée en canyoning. Hors de question de grimper en libre maintenant. Fab pose son sac, tire une longueur puis m’assure. Remonter ces dalles avec 30 kg sur le dos n’est pas une partie de plaisir. La pluie se renforce, et je sens l’eau couler dans mon dos. Fab redescend chercher son sac et nous nous marchons vers le sommet.          

 Arrivés au sommet sous l'orage, il fait froid et nous sommes trempés jusqu'au slip. Le retour en vallée est une épreuve de résistance physique: 5 heures de marche sous la pluie avec des sacs de 30 kg sur le dos après 7 jours de grimpe dans El Capitan. Chaque arrêt est un soulagement pour le dos mais immédiatement les tremblements de froid nous gagnent. Enfin nous retrouvons la civilisation. Nous n'avons qu'une seule envie prendre une douche et dormir au sec. Mais petit soucis, pas moyen de communiquer avec Sergio qui a la voiture. Du coup l'aventure continue. Nous sommes sans voiture, sans argent, sans papiers d'identité, sans téléphone (plus de batterie) et il est environ 18h. Il nous faut une solution rapidement. Notre allure interpelle les gens qui nous questionnent sur notre aventure. La phrase magique est “nous avons gravi El Capitan, et nous n'avons plus rien”. Si bien que certains nous prêtent des chargeurs de portable, nous donnent de l'argent, et nous réussissons même à nous obtenir une tente à Curry Camp (mais obligés de remettre nos habits sales et trempés après la douche). Puis, les SMS pleuvent sur les téléphones. Sergio nous a laissé la voiture avec les clefs au Majestic Hôtel (anciennement Ahwahnee hôtel). C’est l’hôtel de luxe de la vallée. On fonce la récupérer et nous célébrons notre succès en engloutissant des pizzas bien grasses et des bières. Bref, après 7 jours de survie, nous redécouvrons les petits plaisirs simples de la vie.

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2 juillet 2016

Jour 6: le moment critique

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PHOTOS

Rédigé par Fab

Au réveil, nous profitons encore de cette grande vire sous notre portaledge pour prendre un petit déjeuner copieux. Il nous reste 6 longueurs à équiper. Dans 2 jours au plus tard nous devrions être au sommet. Nous savons que nous avons beaucoup de nourriture et environ 15 litres d'eau en rab. C'est toujours difficile d'anticiper les quantités, mais les températures ayant baissé depuis trois jours nous sommes moins déshydratés. Nous préférons quand même continuer à hisser le rab juste au cas où. Sergio nous a laissé un sms qui dit que la météo annonce de la pluie en fin de journée et orageux demain.

Nous sommes au pied du grand dièdre final. Si nous grimpons vraiment vite nous pourrions même sortir ce soir avant la pluie.

Je remonte la corde fixe de la longueur équipée la veille au soir pendant que Chapi finit de ranger le bivouac. Je hisse les sacs et bois un coup. Puis, je suis pris d'un gros mal de ventre et profite de la petite vire et de l'absence de Chapi pour me vider. Ensuite il me rejoint et repart en tête dans une splendide longueur de 45 mètres de dièdre surplombant. Il doit faire preuve d'imagination pour économiser les Aliens qui lui seront utiles plus haut dans la longueur.

Nous avons laissé nos livres à Sergio et dans ces moments d'attente, j'ai le temps de laisser mon esprit vagabonder. C'est fou comment être dans un autre monde pendant quelques jours permet de prendre du recul par rapport à sa vie et aux préoccupations quotidiennes. Entre le boulot, les enfants, les activités, etc. On est toujours occupé et quand on a une heure à attendre on a tendance à se ruer sur son téléphone pour éviter de perdre du temps. Ici on est complètement déconnectés. J'espère que les amis, la famille et surtout Vanessa ne s'inquiètent pas trop et en même temps je profite de cet instant privilégié.

Chapi me sort de mes pensées. Il a bien maîtrisé la longueur. Il est même devenu bon en placement de rocks. Il est arrivé au relais suspendu et le 3eme crux m'attend. Une longueur en C3 A2. Si elle aussi bien équipée que le 2eme crux de la veille ça ne devrait pas poser trop de problème.

Mais arrivé au relais, mon excès de confiance vire rapidement au doute quand je vois que la fissure est non seulement bouchée mais aussi mouillée. Je me hisse prudemment mais je sens que les 6 premiers points que je pose au-dessus du relais pourraient lâcher à n'importe quel moment. J'ai peur de tomber sur Chapi et il se décale sur le côté. À cause de mon coude, je n'ai pas envie de planter de piton, mais des fois il n'y a pas le choix. Je place une lame dans un trou au-dessus de moi mais pas de chance il est bouché. J'ai beau taper dessus, quand je mets mon poids sur le piton il se met à bouger vers le bas. Pfff... Je respire un bon coup monte quand même dessus et place immédiatement un autre piton au-dessus. Planter un piton en donnant des à-coups alors qu'on est pendu sur un piton qui bouge, le tout au-dessus de 800 mètres de vide ... Mais qu'est-ce que je suis venu me mettre dans cette situation ? Oh non, le piton suivant ne se plante qu'à moitié. Normalement on place des pitons pour mettre un point de confiance qui nous retiendra si on tombe, mais là j'ai l'impression qu'un bon Alien ou un coinceur tiendrait mieux que ces pitons. Je suis mal à l'aise mais j'arrive finalement à poser un bon Alien... Ouf... 5 mètres au-dessus de moi je vois un bon piton déjà en place et 10 mètres au-dessus, le relais. Je dis à Chapi qui commence à s'inquiéter de me voir grimper aussi lentement que je pense y arriver. Pas facile de trouver comment progresser dans cette fissure bouchée. Parmi, nos 30 friends, 30 coinceurs, nos pitons, nos crochets, etc. souvent un seul pourra tenir dans la forme de la fissure au-dessus de moi. Et encore faut-il réussir à faire en sorte qu'il se coince correctement. Des fois, ils tiennent sans qu'on comprenne vraiment comment. On monte de dessus en espérant qu'ils ne vont pas lâcher d'un coup. Bref, arrivé au piton il ne me reste que 5 mètres avant le relais. Je pose un mauvais coinceur mais je reste confiant grâce au piton, mais d'un coup mon dernier point lâche et je pars la tête en arrière. Ma chute est longue ce qui veut dire que le piton en-dessous n'a pas tenu. Après 20 mètres de chute je me retrouve pendu la tête vers le bas au niveau du relais. Wow rien de cassé mais je n'avais jamais fait une chute pareille ! Je me suis juste brûlé un peu le coude gauche en frottant la corde.

Chapi me tend à boire et me propose d'y aller à ma place. C'est super de pouvoir compter sur son compagnon de cordée quand on est en face d'une difficulté. Ca me remonte le moral. Peut-être que Chapi arrivera à mieux passer que moi, peut-être qu'il trouvera d'autres techniques auxquelles je n'ai pas pensé. Mais comme je connais déjà la fissure je sais que ce sera beaucoup plus rapide si c'est moi qui y retourne. Bref, finalement je réussi à atteindre ce que je pense être le relais.

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Au-dessus de moi la fissure continue sur encore 10 mètres et j'aperçois un autre relais sous l'énorme surplomb qui caractérise le sommet d'El Capitan. Je dis à Chapi que j'essaye de continuer les 10 mètres suivants. Petit problème la fissure est de nouveau complètement bouchée. Je dis à Chapi de m'envoyer tout ce qu'on a de petit qui pourrait se coincer dedans. Les pitons ne tiennent pas, les coinceurs non plus. J'essaye d'écraser un Cooper head. C'est un cable d'acier avec une tête de cuivre qui épouse la forme du rocher quand on l'écrase au marteau et qui arrive parfois à tenir notre poids par friction. Mais je n'arrive pas à le coincer. Je commence à me dire que je ne vais pas y arriver. On a oublié de récupérer les cam Hook et Bird beaks de Sergio. Ça serait rageant de devoir redescendre en rappel les 900 mètres de parois. Ca nous prendrait au moins deux jours alors qu'on est juste sous le sommet. Chapi me dit qu'on a un petit Bird beak mais il n'y croit pas trop non plus et commence à se faire à l'idée qu'on va prendre un but. J'essaye de le placer dans un trou mais il ne tient pas. Il faut qu'on trouve une solution pour passer. Un peu par dépit je tente dans une fissure bouchée à bout de bras. Surtout ne pas le laisser tomber ... Incroyable ! Le bird peak a l'air de tenir. Je monte dessus et après plusieurs autres points moyens je réussi à passer ! Yes !

A ce moment-là Chapi me crie : "J'ai super mal au ventre, tu peux me donner 5mn ?". Je lui demande s'il a bu de l'eau lui aussi ? Il devait nous rester un bidon d'eau distillé. Malgré mes sueurs froides je me dis que je n'aimerais pas être à sa place pendu dans le vide avec un gros mal de ventre. C'est fou comment on peut arriver à rapidement trouver des solutions quand on a un besoin urgent :)

Chapi me rejoint et je fais la longueur suivante sous le toit. En haut, le relais est pourri. Il est 17h40 et il nous reste 3 petites longueurs. J'hésite. Soit on continue et on sort de nuit soit on fait un dernier bivouac en paroi et on sort demain. Ils annoncent de la pluie ce soir et orageux demain. Il reste encore une longueur de C2 et sur le topo les prochains relais ne semblent pas adaptés à un bivouac. On décide finalement d'installer le bivouac sur une bonne vire 20m en dessous du relais pourri.

Il fait froid mais il ne pleut pas. Nous pensons que nous avons fini les difficultés et sommes heureux d'y être arrivés malgré tout. Mais nous ne nous doutons pas que l'aventure est loin d'être finie.

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2 juillet 2016

Jour 5: L'attaque du grand dièdre

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PHOTOS

Rédigé par Chapi

C’est à mon tour de grimper. Je suis au pied d’un splendide dièdre parfaitement rectiligne sur 20 mètres. J’adore grimper les dièdres en libre, mais cette fois, je ne me risquerai pas dans ce style, car la cotation est de 8a+ (5.13c). En artif, c’est une grande longueur en C2 suivi d’une section en C3.  D’emblé, Fab me suggère d’utiliser le bâton tricheur pour clipper un câble de coinceur que l’on aperçoit à 10 mètres environ dans la fine fissure, au milieu du dièdre. Pas de souci en ce qui me concerne, j’ai laissé mon éthique de grimpeur en libre au pied de la voie il y a 4 jours. D’ailleurs, je ne suis pas certain de la récupérer, c’est encombrant et désagréable quand on grimpe en libre dans des longueurs au-dessus de son niveau… Bref, je me lance dans ce splendide dièdre, dont la fissure centrale, d’une largeur d’un petit doigt, est visiblement égale sur toute la longueur. Il va falloir gérer astucieusement le matériel. J’avance de 5 à 6 mètres sans gros souci, il y a déjà deux coinceurs bloqués définitivement dans la fissure. Je suis maintenant assez proche de l’autre coinceur que l’on voyait d’en bas pour tenter de l’attraper avec le bâton tricheur. Je place une dégaine au bout du bâton télescopique, puis j’y fixe plusieurs grandes sangles, et en me levant sur mes étriers, j’approche doucement la tête du bâton vers le câble en acier du coinceur. J’arrive à clipper le mousqueton dedans du premier coup. Hourra ! On va gagner du temps. Mais viens le moment où il faut tirer sur ce coinceur dont je ne peux absolument pas évaluer la résistance, il est trop loin pour que je puisse distinguer sa position dans la fissure. Je me dis que s’il est là, c’est que personne n’a réussi à le retirer avant nous, alors je me lance. Je clippe mes étriers sur les sangles que j’ai mis au préalable, et me lève progressivement dessus jusqu’à atteindre le coinceur. Effectivement, personne ne peut le retirer, il est encastré dans la fissure, signe que quelqu’un est violement tombé dessus avant. Je m’empresse de passer une cordelette dans le câble du coinceur pour passer un mousqueton au bout et clipper ma corde d’attache. Je poursuis en plaçant quelques micro-coinceurs. Tout semble aller bien, jusqu’à ce qu’un de mes coinceurs lâche soudainement. Et c’est la dégringolade… Le coinceur du dessous lâche, le suivant aussi, je chute jusqu’à venir me retrouver sur le coinceur que j’ai clippé avec le bâton tricheur. Heureusement qu’il a tenu parce que sinon c’était le retour au sol. Je viens de tomber de 6 mètres sans me faire mal. Je remonte au niveau de ce coinceur providentiel. Et j’aperçois qu’une cordelette passée dans le câble d’un des coinceurs qui vient de lâcher a presque été coupée par le choc. Stupeur ! Je regarde celle dans le coinceur devant moi. Elle semble encore en bon état. Mais pour assurer le coup, je mets une dégaine à la place du malheureux bout de ficelle qui m’a retenu. Je repars en plaçant de nouveau des micro-friends. Mais au bout de quelques mètres, je craque et je plante un piton (que fab n’arrivera pas à retirer par la suite). J’arrive à la fin du dièdre. La voie traverse sur la droite sous un toit pour rejoindre une autre fissure verticale. C’est plus simple, et par conséquent j’avance plus vite. Seule la fin me pose un problème. C’est un passage en C3 sur un gros bloc instable qui si je ne fais pas attention pourrait bien me tomber sur les genoux. J’arrive à trouver quelques trous qui ne sollicitent pas trop ce bloc pour poser quelques petits friend et enfin j’atteins le relais.

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Quand Fab me rejoins, il n’est pas content. En voulant économiser le matériel, je l’ai mis dans une situation inconfortable pour déséquiper la traversée. Outre le piton impossible à enlever, il a été obligé d’abandonner un coinceur. Espérons que ceci ne nous fera pas défaut par la suite.

Fab reprend la tête pour passer un nouveau crux de la voie (un passage en C3). Je suis bien installé dans le hamac, protégé par un surplomb, mais du coup je ne peux pas voir sa progression. En attendant, je me fais une séance photo genre « beau gosse qui flâne à 700 m de hauteur », mais le résultat n’est pas ce que j’attendais (la paroi n’est pas assez haute). En tendant le bras au-dessus du surplomb, j’arrive à prendre quelques photos de Fab. Ce n’est pas du grand art, mais au moins j’arrive à voir où il en est. Il avance, doucement, mais il avance… J’ai hâte de reprendre la grimpe car je commence à avoir froid malgré la doudoune.

« Relais » crie Fab. Merde… Perdu dans mes pensées, je n’ai rien préparé pour envoyer les sacs. Je m’active pour ranger tout le matos et nettoyer le relais. Tout de suite, j’ai déjà plus chaud. Dès que les sacs sont partis, je commence à remonter la longueur de Fab pour déséquiper. Quand je sors du surplomb, c’est la surprise. Wouha ! Une superbe dalle raillée d’une fine fissure, c’est magnifique. Le passage difficile était déjà équipé de trois bird peak. Fab est passé en les utilisant mais ne les a pas clippés sur sa corde pour ne pas les arracher en cas de chute. C’est bien pensé, et même temps, il ne faut pas tomber, parce que dans ce cas le vol est bien long…

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Je reprends la suite. Je commence par une fissure sous un surplomb, pas très commode. Je débouche sur belle plateforme. La suite continue avec une fissure plus large. Je me tourne vers Fab pour lui demander de m’envoyer des gros friends et je réalise que j’ai oublié de prendre la ligne de vie ! Grosse galère, comment vais-je récupérer du matériel à distance ??? Je m’en veux d’avoir fait cette bêtise. Maintenant, je suis obligé de redescendre. Je place deux friends dans une fissure, et fais un couplage pour répartir mon poids sur les deux points avant de redescendre en moulinette. La manœuvre se passe bien, et j’arrive à retourner sur la plateforme sans souci. Je grimpe la fissure qui se termine dans un rocher surplombant. La fissure est  bouchée. Il y a deux « copper heads » en place, ce n’est pas rassurant, car je dois faire un pendule à gauche pour finir la longueur. Je tente de mettre deux pitons que je couple ensemble, ils sont très douteux. Je suis à peu près certain de tomber si je pendule dessus. J’observe alors plus attentivement ce que j’ai autour de moi, et aperçois un spit un peu plus haut sur la gauche. C’est loin mais il faut tenter le bâton de tricheur. Fab me l’envoie. Puis, je me hisse le plus haut possible sur mes deux pitons. Je suis à bout de bras, j’arrive tout juste à approcher le spit avec le bâton télescopique. Ma main tremble, je rate plusieurs fois mon coup. Après plusieurs longues minutes dans cette position inconfortable, j’arrive enfin à clipper le spit. Ouf ! Je me hisse sur les sangles et atteins le relais, une belle vire « awesome portaledge bivi » comme mentionné sur le topo. Fab me rejoint.

Nous décidons de préparer le bivouac sur ce relais. Il y a plein de spits pour s’assurer et la vire est idéale pour se poser et admirer la vue. Pendant que Fab grimpe la longueur suivante pour gagner du temps sur le lendemain, j’organise notre bivouac. A chaque fois que je traverse la vire, j’entends un bruit sourd « Clonc ! ». Au début, je n’y prête pas attention, mais à force d’entendre ce bruit, je finis par me poser des questions. Je baisse le nez, et réalise que la vire n’est pas si homogène que ça. En fait, un gros bloc d’au moins 60 kg est juste poser dans la continuité de la vire, mais il est instable. Je regarde plus bas et constate avec effroi qu’il va bientôt tomber. Merde ! Il y  a plusieurs cordées en dessous qui grimpent dans le Nose et Salathé. Si ce bloc part, il y aura de la casse. Quand Fab redescend, je lui expose la situation. Malheureusement, il n’y a rien que nous puissions faire pour sécuriser ce bloc. Nous condamnons un tiers de notre fantastique vire pour éviter de marcher dessus…       

Le soleil se couche. Nous sommes assis sur notre restant de vire en train de déguster des galettes de maïs (un vrai régal après 5 jours d’artif) avec le portaledge fixé au-dessus de notre tête. On va bien dormir.  

 

30 juin 2016

Jour 4: Les choses sérieuses commencent

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PHOTOS

Rédigé par Fab

Après cette première nuit seul avec Chapi, ça fait bizarre de se dire qu'on est parti dans la voie sans Sergio. C'est un peu notre mentor et sans lui ni Chapi ni moi n'aurions jamais fait d'artif. D'ailleurs je n'aurai pas osé retourner dans El Capitan sans lui et c'est vraiment dommage de ne pas partager cette aventure avec lui jusqu'au bout. Mais maintenant qu'on s'est remis dans le bain je suis assez confiant. Sergio et Tony eux nous suivent à la jumelle depuis le bas de la face.


Mon iPhone n'a plus de batterie et mon chargeur solaire n'arrive à le charger à plus de 2%. En plus, je ne capte presque jamais de réseau. Dommage car j'aurai bien aimé pouvoir envoyer des news et des photos plus souvent. Heureusement que Chapi a un chargeur solaire plus performant et un téléphone qui capte un peu mieux.

Après le petit déj, je me m'équipe rapidement et Chapi m'assure au grigri directement sur le relais afin d'avoir suffisamment de liberté de mouvement pour démonter le bivouac pendant que je grimpe. Il me donne 2 mètres de mou toutes les 5 minutes.

La longueur est de nouveau une cheminée "awkward" en C1. Au début je dois faire du mixte artif et libre avant de remonter vers la cheminée. Celle-ci est surplombante et évasée. Je demande à Chapi de m'envoyer nos plus gros friends qui font jusqu'à 25cm de large. Ils pèsent lourd prennent beaucoup de place, mais sans eux nous ne serions jamais passés. Il me les envoit grâce à la corde fixe qui me relie directement à lui sans passer par aucun point d'assurage, contrairement à ma corde d'attache. À chaque marche, je dois me hisser au fond de la fissure et je souffle comme si j'avais fait un sprint. J'essaye de chanter dans ma tête pour m'inciter à grimper sans forcer, mais pas moyen cette cheminée est en vrai calvaire. Après plus de 2 heures, je réussi à sortir. Il me reste encore à gravir une fissure d'un pouce de large sur 10 mètres de long. Or il ne me reste que 2 friends de la bonne taille. Je dois donc à chaque pas récupérer le friend du dessous pour pouvoir avancer. Je réussi quand même à laisser quelques bons points d'assurage avant d'atteindre le relais. Hisser les sacs dans cette zone en dévers est beaucoup plus facile, ce qui est de bonne augure pour la suite de la voie qui est globalement surplombante.

Chapi me rejoint au relais après avoir galéré à déséquiper la cheminée puis il part en tête dans un magnifique dièdre surplombant. La fissure continue de la même taille pendant au moins 20m et il est lui aussi obligé de récupérer des friends déjà posés pour pouvoir atteindre le relais suivant.

Il fait moins chaud aujourd'hui. Loin en dessous on voit une cordée qui gravit le Nose et une autre sur Mammoth terrasse qui a l'air tellement loin maintenant. Avec la paroi qui se redresse les 600 mètres de vide en dessous sont vraiment impressionnants. C'est marrant de voir comment on s'habitue vite à évoluer dans un monde vertical et à faire complètement abstraction du vide.

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La longueur suivante est le premier crux. Après 5 mètres au-dessus du relais, il faut se laisser redescendre sur la corde et penduler vers la droite pour atteindre une fissure en C3/A2. Je dois me balancer plusieurs fois de gauche à droite pour avoir assez d'élan pour atteindre la fissure. Je réussi à m'agripper quelques instants des deux mains sur deux grattons alors que la corde me tire de l'autre côté. Je regarde la fissure. Elle est bouchée. Un mètre au-dessus de moi, je vois un trou pour un piton-lame. Je lâche prise. Comment réussir à planter un piton avec un marteau tout en s'agrippant des mains pour ne pas tomber ? C'est impossible ! Je ne vais pas y arriver. L'idée de devoir abandonner et redescendre tout en rappel avec les sacs alors qu'on est à la moitié de la voie me désole. Il faut trouver un moyen. Ah si on avait eu des Cam Hook ... Je refais le pendule et voit un endroit où je pourrais éventuel glisser un micro-coinceur. Je recommence encore une fois le pendule avec le micro coinceur que j'avais estimé de la bonne taille par rapport à l'emplacement. Pendant 1 seconde, je lâche une main, attrape le coinceur et vise la fissure. Oh non il est trop gros, il ne tient que par 1mm sur le côté. J'essaye de l'enlever toujours avec la même main, mais n'y arrive pas. Il a vraiment pas l'air de tenir, mais si je n'arrive pas à l'enlever, alors pas le choix… Je m'agrippe dessus avec la main et réussi à placer un mauvais Alien au-dessus. La fissure reste assez bouchée pendant 15m mais après quelques mauvais points, une chute et 2 pitons, je réussi à atteindre une bonne vire où on pourrait faire bivouac. Ouf ! On est passés !

Chapi me rejoint au relais. Il est fatigué mais content. On hésite à faire bivouac sur cette vire ou 15 mètres au-dessus au pied d'un grand dièdre. On n'arrive pas à voir comment ça se présente et le topo indique "poor hanging bivy". Chapi repart en tête et comme le bivouac n'est pas si "poor hanging" que ça, on y installe le portaledge.

On commence à prendre nos habitudes et une certaine routine s'installe dans cette nouvelle vie. D'ailleurs l'installation du bivouac, le montage du portaledge, le positionnement des sacs, le fait de devoir toujours tout accrocher,... bref tout ce qui nous paraissait complexe au début fait maintenant partie de notre quotidien.

On est fatigués et on préfère se coucher avec le soleil plutôt que d'équiper la longueur suivante. Le téléphone ne passe plus donc plus moyen d'envoyer des sms. On réussit à parler par radio avec Sergio qui dort avec Tony au pied de la face avant de partir pour 3 jours faire une voie dans Washington Column. Ils nous regardent progresser aux jumelles.

Ce soir, le coucher de soleil est magnifique. Malgré la fatigue Chapi me raconte des blagues et nous restons un bon moment contemplatif. Nous sommes presque seuls dans cette immense paroi.

30 juin 2016

Jour 3: La grande traversée

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Rédigé par Chapi.

La journée de la veille a été éprouvante pour Tony physiquement et techniquement. Il a souffert de crampes toute la nuit. Sergio qui a dû tout gérer lors est sceptique sur les chances de sa cordée de réussir l'ascension dans de bonnes conditions. Fab propose de redispatcher les cordées en mettant Tony dans la cordée de devant. Ainsi le premier de cordée de la deuxième cordée pourrait l’encadrer et nous alternerions le premier de la première cordée entre nous trois. Mais Sergio préfère renoncer probablement pour ne pas mettre en danger son client et éviter de réduire nos chances de succès. C'est triste pour nous qui nous faisions un plaisir de partager cette aventure avec lui. Sans Sergio, nous n'aurions jamais eu le courage de nous lancer dans cette expédition. Avant de nous séparer, Sergio nous laisse une partie du matériel que nous avions pris en commun: des pitons et des gros friends. Il nous laisse aussi une partie de son eau. Au moment de nous quitter, nous sentons Tony est déçu mais soulagé de redescendre.


Nous voici maintenant seuls devant cet énorme défi, seuls devant nos choix, nos doutes. Pourtant nous y croyons. Les deux premières journées ont montré que nous pouvons tenir le rythme prévu. 

Je remonte donc la corde fixe installée la veille et hisse les sacs. Fab me rattrape et poursuit dans un magnifique dièdre surplombant obliquant sur la gauche. Le niveau technique de grimpe augmente sensiblement. Fab grimpe en peaufinant sa technique de placement de coinceur. J'admire en me disant qu'il va falloir que je m'y mettre aussi car sinon je n’aurai pas assez de friends pour passer les grandes longueurs qui sont au-dessus. Fab fait relais juste avant la longueur suivante, traversée à droite. Je reprends la suite. Avant de partir nous nous mettons d'accord sur l'enchaînement d'actions pour nous passer les sacs et assurer le second. Nous n'arriverons probablement plus à nous entendre après l’escalade de cette longueur en traversée, et il est essentiel de bien être synchronisés pour éviter les ennuis. Je commence la traversée par un système de spits en pleine dalle (aucune difficulté). Puis j'atteins le point du pendule qui doit me permettre en basculant sur la droite d'atteindre une fissure en contrebas. Je suis peu rassuré. Je viens de passer sous le vent, un vent fort, au moment où d'un coup la paroi se redresse sous nos pieds pour laisser apparaître un vide abyssal... L'ambiance vient d'augmenter d'un cran! Fab me mouline pendant que je tente d'attraper une grosse fissure. Je m'y agrippe. Maintenant, il faut réfléchir. Je dois poser un point pour éviter de repartir en arrière mais en même temps, je ne  dois pas le mettre trop bas pour éviter de faire un méchant Z avec ma corde qui passe encore dans le point du pendule. Je grimpe la fissure en libre en serrant les prises comme jamais, je me swns envahi par l'ambiance gazeuse de la section. Puis je commence à poser quelques points, je me calme, retrouve plus de sérénité, et pas à pas, j'atteins le relais. Nous faisons un téléphérique pour nous passer les sacs, une manœuvre parfaitement exécutée avec une communication minimaliste, puis j'assure Fab pour la traversée. Au bout du pendule, il se clippe sur un super friend. Puis il se désencorde pour récupérer la corde qui passe encore dans le mousqueton du pendule. Même si je sais que le friend sur lequel il est attaché est vraiment béton, je suis tout de même étonné par cette manœuvre un peu risquée, car à cet instant il ne repose que sur un point. Fab m'en parle quand il me rejoint et nous mettons au point une autre manière de procéder pour la suite. J’ai moi aussi un pendule à gérer en second dans la longueur suivante.

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Fab reprend la tête pour une longueur en C3. Il commence par un nouveau pendule pour atteindre la fissure suivante. Comme moi, il doit remonter au maximum celle-ci sans poser de point pour éviter le tirage par la suite. C’est une situation vraiment inconfortable. Une erreur entrainerait un gros pendule avec 6 à 7 mètre de corde libre. Il alterne escalade libre et grimpe artif avec belle aisance et atteint relai dans un temps record. Chapeau ! Car il vient de grimper la première longueur en C3 sans difficulté. Je le rejoins en déséquipant et je constate qu'il a usé et abusé de rocks (coinceurs) “un nouveau pro du rock au pays des rockers”. Le plus étonnant est un couplage de coinceur l'un vers le bas l'autre vers le haut pour être certain que le coinceur du haut ne se décroche pas en montant. “C’est une question que j'avais eu à l’ENSA. Je ne pensais pas devoir m'en servir un jour” me dit-il. La longueur suivante est une escalade libre en 5.9 avec un pas d’artif. J'enfile mes chaussons avec peu de conviction; ça fait mal aux pieds après une journée d’artif! J'avance sans difficultés jusqu'au pas délicat, situé 5 mètres sous le relais. Pendant que je regarde quel friend mettre au-dessus, une touffe d'herbe, sur laquelle mon pied gauche est posé, se dérobe et je pers l'équilibre. In extremis, je me rattrape sur les bras pour éviter une belle chute sur des dalles inférieures. Gros moment de transpiration ! Je pose un friend béton, passe le pas d’artif et atteins le relais sous un grand surplomb. Fab me rejoint. Il est un peu tôt (17h) mais le relais où nous sommes est idéal pour le bivouac. Bien protégés par un grand surplomb, nous ne craignions ni la pluie ni d’éventuelles chutes de pierres. Nous décidons donc de nous arrêter pour aujourd’hui. De toute façon, nous avons encore atteint notre objectif : grimper 4 longueurs dans la journée. C'est un bon rythme. Nous sommes au pied du splendide dièdre caractéristique de 200m que l'on devine facilement depuis la vallée. L'ambiance est fantastique. Un vide de 600 mètres nous sépare du sol.  On va bien s'accrocher au portaledge cette nuit.

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22 juin 2016

Jour2: Enfin on grimpe

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Jour 2

Rédigé par Fab. 

Réveil à l'aube. Il est déjà 5h15. Je n’ai pas trop mal au coude mais la journée de hissage m’a bien fatigué. Chapi me dit qu’on a fait le plus dur et ça me rassure car je ne pourrai pas tenir plusieurs jours à ce rythme. C'est quand même marrant de se retrouver là après toutes les aventures qu’on a vécues avant même de commencer la voie. Je me dis que j’ai vraiment de la chance d’être là et qu’il faut en profiter au maximum. Cette première nuit sur portaledge s'est plutôt bien passée mais il fait déjà chaud et une longue journée nous attend. Nous devons atteindre Grey Ledge avant la nuit pour pouvoir bénéficier d'un autre bon bivouac. En effet, dans la face d'El Capitan rares sont les relais où l’on peut placer deux portaledges et quatre sacs de hissages côte à côte. Il faut plus de quatre points d'attache sur une largeur d'au moins cinq mètres. Sinon il faut trouver un moyen de les pendre les uns au-dessus des autres, ce qui est assez compliqué à installer et oblige à monter et descendre avec nos échelles dès qu'on a oublié un truc dans le sac. En plus, la paroi doit être plutôt verticale et plane, sinon le portaledge risque d’être instable. Même si on dort encordé, la perspective de faire une chute de cinq mètres dans le vide au milieu de la nuit parce que qu'on a voulu changer de position et que cela a fait basculer le portaledge, n'aide pas vraiment à s'endormir sereinement. Enfin vu que le portaledge n'est pendu qu'à un point d'attache, il faut toujours faire attention à maintenir le centre de gravité en son, et ainsi bien penser à prévenir son compagnon quand on veut passer de l'autre côté ou sortir. Du coup, autant vous dire qu'un bivouac à côté d'une vire, c'est vraiment du luxe. On n'a pas besoin d'être tout le temps pendu dans le vide, et du coup, cela facilite grandement l’accès des sacs, les préparatifs du dîner et du couchage, etc. On peut même pisser plus ou moins discrètement dans le vide :) Bref, tout ça motive vraiment à atteindre les "bons" relais-bivouac dans les temps. Et il se trouve que nous allons avoir le confort de passer les cinq prochaines nuits dans des bivouacs avec vire ! Notre objectif de la journée est donc de gravir les quatre longueurs jusqu'à Grey Ledge et d'équiper la longueur suivante avant la nuit pour pouvoir avoir une chance d'atteindre le bon bivouac suivant le lendemain soir.

On propose à Liz et Nick, le couple d'américains qui ont dormi avec nous, de passer devant. A priori, ils seront plus rapides que nous. Je remonte notre corde fixe après eux et commence à hisser les sacs. Aujourd'hui, j'ai décidé de mieux gérer mon effort et mon alimentation afin de pouvoir résister pendant plusieurs jours. Le hissage des sacs est un vrai calvaire et heureusement que Chapi vient m'aider. Je profite du fait de devoir attendre que les américains gravissent la longueur devant nous, pour bien réfléchir à la meilleure façon d'organiser un relais, ce qui me sera bien utile pour les 20 suivants... Effectivement, une fois arrivé au relais après 2 ou 3 heures d'escalade pour chaque longueur, celui qui grimpe en tête doit dans l'ordre :

  • Se vacher avec ses daisy Chains (des sangles cousues)
  • éventuellement consolider le relais et relier les points avec des mousquetons à vis et des sangles.
  • hisser le premier puis le deuxième sac et les fixer à au moins deux points du relais chacun.
  • avaler et fixer la corde du second pour qu'il puisse commencer à remonter et déséquiper la longueur.
  • ranger les cordes pour ne pas qu’elles se coincent dans des fissures.
  • et préparer le rack de matos pour que le second puisse repartir le plus vite possible.

Un relais mal organisé peut vite devenir un vrai foutoir et faire perdre beaucoup de temps, voir même être cause d'erreur de sécurité. Mais avec deux personnes, deux sacs et deux cordes, c'est un vrai petit casse-tête. Par exemple, une fois un sac pendu sur un mousqueton, tout ce qui est au-dessus ou derrière ce mousqueton devient presque bloqué au relais tant que le sac n'est pas reparti. Essayez donc de soulever 50kg d'une main avec les pieds dans le vide pour décliper votre vache qui se trouve derrière le mousqueton du sac... le tout en faisant bien attention que les 170m de cordes, fixées à au moins six points du relais, ne s'emmêlent pas.

Pendant que Sergio et Tony nous rejoignent, Nick termine sa longueur et je peux commencer à grimper en tête la longueur de C1. Ca y est ! Je rentre dans le vif du sujet. C'est un vrai plaisir de gravir mètre par mètre la longueur en essayant à chaque fois de trouver le type et la taille de l'équipement (coinceur, friend, crochet, piton, etc.) qui tiendra le mieux. Mais planter des pitons est fastidieux, il faut porter un marteau et des pitons en plus du matos habituel. Et surtout ça me fait mal au coude. J'essaye de gagner du temps en plaçant des Aliens dans les trous à pitons et en ne perdant pas de temps à tester la solidité des points avant de monter dessus. Du coup j'avance assez vite, mais un Alien finit par lâcher et je fais une chute de 5 mètres. Petit rappel à ordre dès la première longueur ! Curieusement j’ai beaucoup moins peur de chuter en tête que lors de ma dernière ascension. Bref, j’essaye de pas de ne pas me démonter et je suis content de réussir par passer en « clean climbing » (sans piton). Il y à 18 ans, on avait planté au minimum cinq pitons par longueur ! J’ai vraiment l’impression d’avoir grimpé vite mais ça m’a quand même pris presque deux heures.

Au relais, je rejoins Liz et Nick sur une bonne vire. Ils sont supers sympa et j'en profite pour continuer à discuter avec eux. Nick est un fort grimpeur et était même un mutant il y a une dizaine d’années. Il a gravit Washington Column en 1h29. Pour la petite histoire avec Sergio il y a 18 ans on avait mis presque 3 jours. Il a aussi enchaîné Le Nose et Le Half Dome dans une même journée. Bref, en arrivant je suis surpris que Nick n’ait pas déjà commencé à grimper la longueur suivante. En fait, suite à une mauvaise manip’ il a laissé tomber son sac de couchage. Comme quoi ça arrive même aux meilleurs. Comme dit Sergio : « tout ce qui n’est pas attaché finit en bas ! ». Et c’est vrai qu’on doit toujours faire attention à tout mousquetonner, même son téléphone, le réchaud, les tasses, les gants, etc. Bref, avec un duvet en moins, Nick et Liz ont dû pas mal hésiter à continuer ou à redescendre.Du coup ils semblent gênés de nous faire de nouveau attendre et promettent de grimper plus vite la longueur suivante ; en effet on ne les reverra plus par la suite.

Comme le terrain n'est pas encore surplombant, les sacs frottent contre la paroi et les hisser est de nouveau fastidieux. Malgré son décolleté, j'ai même du mal à faire la conversation à Liz tellement je dois forcer pour monter le sac chaque 30cm. Il fait chaud, je suis vite fatigué et j'appréhende un peu pour les jours suivants. C'est le premier Big Wall de Liz et elle aussi a du mal. Chapi me rejoint très vite et comme nous grimpons en réversible, c'est à son tour d'aller en tête. Il enchaîne la longueur suivante en C1 qui est composée de deux fissures et qui se termine par un relais pendu dans le vide. Au début, il a un peu du mal à poser les coinceurs et surtout à faire confiance aux micro-coinceurs, mais il finit par progressivement trouver ses marques. Je sens que nous allons former une bonne cordée. On essaye de rattraper le temps perdu à attendre et j'essaye d'enchainer le plus vite possible vers la longueur suivante, mais elle me prend beaucoup de temps. Chaque pas est éprouvant car il faut aller chercher une fissure au fond d'une cheminée peu commode. Tout se coince, les cordes, les étriers, les chaussures, si bien que je perds la radio et les semelles de mes chaussures neuves commencent à se décoller. Je suis quand même content d'arriver au bivouac de Grey Ledge qui a l'air confortable. Il est 17h et Chapi aura le temps d'équiper la longueur suivante. C'est un mixte d'escalade et d'artif. La transition entre les deux. le met dans de mauvaises postures, mais il termine la longueur avant la nuit. Nick et Liz sont déjà presque deux longueurs au-dessus. Nous laissons notre corde fixe à Sergio et Tony pour qu'ils nous rejoignent sur la vire avant la nuit. Ils semblent eux aussi éprouvés par le hissage des sacs. Ils ont dû attendre encore plus longtemps que nous avant de pouvoir commencer à grimper. Mais Sergio trouvent qu’ils ne sont pas assez rapides et ils ne se sentent pas de continuer comme ça. On essaye de leur remonter le moral en leur disant que c'est le deuxième jour de suite où on atteint notre objectif. On se met vite au lit dans le portaledge après le diner mais sans mettre la tente cette fois. On dort à la belle étoile au-dessus du vide et le ciel est magnifique. On devine la voie lactée, la clarté des étoiles est intense. Dans la nuit, on entend Liz et Nick qui continuent à grimper à la frontale pour atteindre un bivouac situé 4 longueurs au-dessus de nous. C'est marrant ils n'ont même pas l'air stressés. J'ai toujours mal au coude, je suis bien fatigué et j'ai peur qu'on manque d'eau mais je commence à penser qu'on va quand même y arriver.

21 juin 2016

Jour1: le hissage

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Rédigé par Chapi.

5 juin 2016.

Après l’enchainent rocambolesques d’évènements pour récupérer nos sacs de matériel, Fab et moi réussissons finalement à partir dans la voie le jour prévu. Mais la préparation succincte des sacs pour rattraper le temps perdu a failli nous coûter cher par la suite. Ce premier jour, consacré au hissage des sacs sur les cordes fixes, installées à demeure dans le socle de la paroi, est éprouvantcomme prévue. Nous avons cinq longueurs à remonter (près de trois cent mètres). Pourtant nous sommes partis très tôt (4 heures du matin) pour éviter au maximum la chaleur étouffante de l'après-midi. Mais hisser les sacs pour deux cordées, Sergio-Tony et Fab-moi, complique les manips aux relais. Nous manquons de place pour stocker nos énormes sacs aux relais. Les cordes s'emmêlent. Bref, nous perdons beaucoup de temps. Quand le soleil fait son apparition dans notre paroi, exposée ouest, la température augmente d'un coup. Fab et moi avons oublié de prendre de l'eau sur nous et la crème solaire est au fond du sac de hissage. Nous commençons à griller sous les rayons du soleil en hissant au jumar et à la poulie les sacs de 50 kg. Heureusement pour nous, la dernière longueur sous mammouth terrasse (notre premier bivouac) a été équipée par une autre cordée que nous croisons lors de notre montée. C'est un couple dont la jeune fille, Clémence, est française. Etonnant de croiser une compatriote dans cette paroi. Clémence fait une thèse dans le Colorado et avoue apprécier de vivre aux États Unis. Encore un cerveau qui risque de quitter notre pays; dur de résister à l'appel d'un continent si varié. Grace à eux (et surtout leur corde), nous gagnons un temps précieux qui nous permet d’atteindre notre première terrasse de bivouac en fin d'après-midi. Nous sommes exténués, moi le premier. Je suis déshydraté et j’ai un gros coup de chaud. Pourtant je dois encore grimper la prochaine longueur pour gagner du temps sur la journée du lendemain. Je me pose un peu pour boire un Coca et manger. Au bivouac, nous croisons plusieurs cordées dont une qui grimpe El Cap à la journée! Une autre bivouaque avec nous sur la terrasse. C’est un couple qui va grimper une variante de notre voie (free Muir) mais en grande partie en libre. Ayant repris un peu de force, Fab m’assure pour grimper la longueur en 6a+ version locale. La première partie ne me pose pas de grands soucis même si la structure compacte et polie du granit du Yosemite est bien différente de notre granit chamoniard qui offre souvent de belles prises franches. Puis j'atteins le pied d'un dièdre déversant doté au fond d’une fissure à doigts. Je passe rapidement en mode artif, en tirant allègrement sur les points que je pose en montant. Cette petite section me permet de reprendre mes marques en grimpe artif. J'arrive au relai dans un temps très raisonnable. Puis, j'effectue un rappel sur une terrasse dix mètres à droite pour installer les cordes fixes qui nous permettront de remonter cette longueur le lendemain. Fab déséquipe la longueur en remontant aux jumars sur ma corde d'assurage. Le soleil commence à se coucher quand nous finissons d’installer le bivouac. Nous avalons une soupe de nouille, un peu de pain et une compote de pommes, ce qui constitue notre dîner typique pour les prochains jours. Nous sommes fatigués mais heureux en pensant à la journée du lendemain où enfin nous allons pouvoir grimper.

8 juin 2016

Premier réveil

On a bien roupillé...



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8 juin 2016

On avance bien

Bientot trois longueurs. On espère en faire quatre aujourd'hui. On crève de chaud. beaucp de cordée dans el cap, surtout en libre. Ils sont super forts les ricains.


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8 juin 2016

Au lit!

4 longueurs, dont une bien penible et un vol pour fab. Mais tout va bien. Pour nous. Sergio et Tony ont souffert aujourd'hui.



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7 juin 2016

Ça hisse!

Enfin c'est le départ dans la voie. Hissage physique aujourd'hui...



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7 juin 2016

Objectif du jour atteint!

Après cette journée de hissage éprouvante, il nous reste maintenant à grimper! 
La bonne surprise est fab n'a pas trop mal au coude.



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6 juin 2016

Choosing the right water type

Aux Etats-Unis, faut faire gaffe quand tu fais tes courses car ils ne rangent pas forcément les articles par les mêmes types de catégories qu'en Europe. Au lieu d'avoir un rayon boissons, un rayon bricolage, etc. Ils ont un rayon "eau". Résultat au lieu de prendre de la spring water on s'est retrouvé avec de la distilled water. Ca tombe bien vu qu'avec mon coude je grimpe comme un fer à repasser.

6 juin 2016

Le grain de sable

Nous n'avons pas encore commencé la voie que nous devons déjà faire face à des difficultés. Tous nos bagages ont été perdus entre Genève et San Francisco. Ça fait déjà 2 jours qu'on attend et à chaque appel au call center de British Airways on nous dit qqchose de différents. Dans le pays de Facebook, Google, Apple ils sont pas foutus de tracer 3 bagages ! En plus dans la vallée du Yosemite, le wifi ne marche pas, la 3G non plus, et même le reseau mobile. Les Rangers doivent avoir peur que les ondes existent les ours, par contre ça exite bien les touristes... Du coup on a décidé de retourner à l'aéroport pour essayer d'en savoir plus et d'avoir une chance de les récupérer au plus vite. Si on n'arrive pas à en récupérer une bonne partie aujourd'hui, nous allons devoir changer d'objectif ou être très efficace dans la voie... Sinon Sergio a plein de bons conseils à posteriori, du genre, "faut toujours avoir trois heures de transit entre deux vols" ou "par turkisch airline, y a v de surtaxe jusqu'à 64kg". Bref, on s'inquiète un peu, mais chacun garde espoir, on est bien au pays où tout est possible non?





5 juin 2016

Des nouvelles du front.

Enfin, nous réussissons à trouver une personne qui peut nous aider à l'aéroport. Nous avons récupéré deux sacs (les affaires de fab et le matos technique), mais il nous manque le gros sac de hissage (essentiel pour hisser l'eau), le portaledge (indispensable pour dormir) et nos deux duvets. Nous avons encore un espoir de le voir arriver avec l'avion de 14h00 ce jour. Suspense...
5 juin 2016

Première vue global de la voie

Les cordes fixes dans le socle de la paroi semblent en place. Personne n'est dans notre voie. Une cordée grimpe dans le nose, une autre dans le free Blast. Notre petit groupe est tout existé! 
4 juin 2016

Présentation de la dream team

Nous voici, les quatre prétendants à grimper El Captipan. Fab, Sergio, Tony et moi (chapi).
Nous sommes en route pour le Yosemite après avoir fait les courses sur la route. Notre plus gros souci pour le moment est de récupérer nos sacs qui sont restés à Londres hier. A priori on peut les avoir ce soir.
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