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Muir Wall Yosemite
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30 juin 2016

Jour 3: La grande traversée

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Rédigé par Chapi.

La journée de la veille a été éprouvante pour Tony physiquement et techniquement. Il a souffert de crampes toute la nuit. Sergio qui a dû tout gérer lors est sceptique sur les chances de sa cordée de réussir l'ascension dans de bonnes conditions. Fab propose de redispatcher les cordées en mettant Tony dans la cordée de devant. Ainsi le premier de cordée de la deuxième cordée pourrait l’encadrer et nous alternerions le premier de la première cordée entre nous trois. Mais Sergio préfère renoncer probablement pour ne pas mettre en danger son client et éviter de réduire nos chances de succès. C'est triste pour nous qui nous faisions un plaisir de partager cette aventure avec lui. Sans Sergio, nous n'aurions jamais eu le courage de nous lancer dans cette expédition. Avant de nous séparer, Sergio nous laisse une partie du matériel que nous avions pris en commun: des pitons et des gros friends. Il nous laisse aussi une partie de son eau. Au moment de nous quitter, nous sentons Tony est déçu mais soulagé de redescendre.


Nous voici maintenant seuls devant cet énorme défi, seuls devant nos choix, nos doutes. Pourtant nous y croyons. Les deux premières journées ont montré que nous pouvons tenir le rythme prévu. 

Je remonte donc la corde fixe installée la veille et hisse les sacs. Fab me rattrape et poursuit dans un magnifique dièdre surplombant obliquant sur la gauche. Le niveau technique de grimpe augmente sensiblement. Fab grimpe en peaufinant sa technique de placement de coinceur. J'admire en me disant qu'il va falloir que je m'y mettre aussi car sinon je n’aurai pas assez de friends pour passer les grandes longueurs qui sont au-dessus. Fab fait relais juste avant la longueur suivante, traversée à droite. Je reprends la suite. Avant de partir nous nous mettons d'accord sur l'enchaînement d'actions pour nous passer les sacs et assurer le second. Nous n'arriverons probablement plus à nous entendre après l’escalade de cette longueur en traversée, et il est essentiel de bien être synchronisés pour éviter les ennuis. Je commence la traversée par un système de spits en pleine dalle (aucune difficulté). Puis j'atteins le point du pendule qui doit me permettre en basculant sur la droite d'atteindre une fissure en contrebas. Je suis peu rassuré. Je viens de passer sous le vent, un vent fort, au moment où d'un coup la paroi se redresse sous nos pieds pour laisser apparaître un vide abyssal... L'ambiance vient d'augmenter d'un cran! Fab me mouline pendant que je tente d'attraper une grosse fissure. Je m'y agrippe. Maintenant, il faut réfléchir. Je dois poser un point pour éviter de repartir en arrière mais en même temps, je ne  dois pas le mettre trop bas pour éviter de faire un méchant Z avec ma corde qui passe encore dans le point du pendule. Je grimpe la fissure en libre en serrant les prises comme jamais, je me swns envahi par l'ambiance gazeuse de la section. Puis je commence à poser quelques points, je me calme, retrouve plus de sérénité, et pas à pas, j'atteins le relais. Nous faisons un téléphérique pour nous passer les sacs, une manœuvre parfaitement exécutée avec une communication minimaliste, puis j'assure Fab pour la traversée. Au bout du pendule, il se clippe sur un super friend. Puis il se désencorde pour récupérer la corde qui passe encore dans le mousqueton du pendule. Même si je sais que le friend sur lequel il est attaché est vraiment béton, je suis tout de même étonné par cette manœuvre un peu risquée, car à cet instant il ne repose que sur un point. Fab m'en parle quand il me rejoint et nous mettons au point une autre manière de procéder pour la suite. J’ai moi aussi un pendule à gérer en second dans la longueur suivante.

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Fab reprend la tête pour une longueur en C3. Il commence par un nouveau pendule pour atteindre la fissure suivante. Comme moi, il doit remonter au maximum celle-ci sans poser de point pour éviter le tirage par la suite. C’est une situation vraiment inconfortable. Une erreur entrainerait un gros pendule avec 6 à 7 mètre de corde libre. Il alterne escalade libre et grimpe artif avec belle aisance et atteint relai dans un temps record. Chapeau ! Car il vient de grimper la première longueur en C3 sans difficulté. Je le rejoins en déséquipant et je constate qu'il a usé et abusé de rocks (coinceurs) “un nouveau pro du rock au pays des rockers”. Le plus étonnant est un couplage de coinceur l'un vers le bas l'autre vers le haut pour être certain que le coinceur du haut ne se décroche pas en montant. “C’est une question que j'avais eu à l’ENSA. Je ne pensais pas devoir m'en servir un jour” me dit-il. La longueur suivante est une escalade libre en 5.9 avec un pas d’artif. J'enfile mes chaussons avec peu de conviction; ça fait mal aux pieds après une journée d’artif! J'avance sans difficultés jusqu'au pas délicat, situé 5 mètres sous le relais. Pendant que je regarde quel friend mettre au-dessus, une touffe d'herbe, sur laquelle mon pied gauche est posé, se dérobe et je pers l'équilibre. In extremis, je me rattrape sur les bras pour éviter une belle chute sur des dalles inférieures. Gros moment de transpiration ! Je pose un friend béton, passe le pas d’artif et atteins le relais sous un grand surplomb. Fab me rejoint. Il est un peu tôt (17h) mais le relais où nous sommes est idéal pour le bivouac. Bien protégés par un grand surplomb, nous ne craignions ni la pluie ni d’éventuelles chutes de pierres. Nous décidons donc de nous arrêter pour aujourd’hui. De toute façon, nous avons encore atteint notre objectif : grimper 4 longueurs dans la journée. C'est un bon rythme. Nous sommes au pied du splendide dièdre caractéristique de 200m que l'on devine facilement depuis la vallée. L'ambiance est fantastique. Un vide de 600 mètres nous sépare du sol.  On va bien s'accrocher au portaledge cette nuit.

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Commentaires
V
Excellent. Trop bien ecrit...quelle aventure!
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