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Muir Wall Yosemite
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2 juillet 2016

Jour 5: L'attaque du grand dièdre

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PHOTOS

Rédigé par Chapi

C’est à mon tour de grimper. Je suis au pied d’un splendide dièdre parfaitement rectiligne sur 20 mètres. J’adore grimper les dièdres en libre, mais cette fois, je ne me risquerai pas dans ce style, car la cotation est de 8a+ (5.13c). En artif, c’est une grande longueur en C2 suivi d’une section en C3.  D’emblé, Fab me suggère d’utiliser le bâton tricheur pour clipper un câble de coinceur que l’on aperçoit à 10 mètres environ dans la fine fissure, au milieu du dièdre. Pas de souci en ce qui me concerne, j’ai laissé mon éthique de grimpeur en libre au pied de la voie il y a 4 jours. D’ailleurs, je ne suis pas certain de la récupérer, c’est encombrant et désagréable quand on grimpe en libre dans des longueurs au-dessus de son niveau… Bref, je me lance dans ce splendide dièdre, dont la fissure centrale, d’une largeur d’un petit doigt, est visiblement égale sur toute la longueur. Il va falloir gérer astucieusement le matériel. J’avance de 5 à 6 mètres sans gros souci, il y a déjà deux coinceurs bloqués définitivement dans la fissure. Je suis maintenant assez proche de l’autre coinceur que l’on voyait d’en bas pour tenter de l’attraper avec le bâton tricheur. Je place une dégaine au bout du bâton télescopique, puis j’y fixe plusieurs grandes sangles, et en me levant sur mes étriers, j’approche doucement la tête du bâton vers le câble en acier du coinceur. J’arrive à clipper le mousqueton dedans du premier coup. Hourra ! On va gagner du temps. Mais viens le moment où il faut tirer sur ce coinceur dont je ne peux absolument pas évaluer la résistance, il est trop loin pour que je puisse distinguer sa position dans la fissure. Je me dis que s’il est là, c’est que personne n’a réussi à le retirer avant nous, alors je me lance. Je clippe mes étriers sur les sangles que j’ai mis au préalable, et me lève progressivement dessus jusqu’à atteindre le coinceur. Effectivement, personne ne peut le retirer, il est encastré dans la fissure, signe que quelqu’un est violement tombé dessus avant. Je m’empresse de passer une cordelette dans le câble du coinceur pour passer un mousqueton au bout et clipper ma corde d’attache. Je poursuis en plaçant quelques micro-coinceurs. Tout semble aller bien, jusqu’à ce qu’un de mes coinceurs lâche soudainement. Et c’est la dégringolade… Le coinceur du dessous lâche, le suivant aussi, je chute jusqu’à venir me retrouver sur le coinceur que j’ai clippé avec le bâton tricheur. Heureusement qu’il a tenu parce que sinon c’était le retour au sol. Je viens de tomber de 6 mètres sans me faire mal. Je remonte au niveau de ce coinceur providentiel. Et j’aperçois qu’une cordelette passée dans le câble d’un des coinceurs qui vient de lâcher a presque été coupée par le choc. Stupeur ! Je regarde celle dans le coinceur devant moi. Elle semble encore en bon état. Mais pour assurer le coup, je mets une dégaine à la place du malheureux bout de ficelle qui m’a retenu. Je repars en plaçant de nouveau des micro-friends. Mais au bout de quelques mètres, je craque et je plante un piton (que fab n’arrivera pas à retirer par la suite). J’arrive à la fin du dièdre. La voie traverse sur la droite sous un toit pour rejoindre une autre fissure verticale. C’est plus simple, et par conséquent j’avance plus vite. Seule la fin me pose un problème. C’est un passage en C3 sur un gros bloc instable qui si je ne fais pas attention pourrait bien me tomber sur les genoux. J’arrive à trouver quelques trous qui ne sollicitent pas trop ce bloc pour poser quelques petits friend et enfin j’atteins le relais.

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Quand Fab me rejoins, il n’est pas content. En voulant économiser le matériel, je l’ai mis dans une situation inconfortable pour déséquiper la traversée. Outre le piton impossible à enlever, il a été obligé d’abandonner un coinceur. Espérons que ceci ne nous fera pas défaut par la suite.

Fab reprend la tête pour passer un nouveau crux de la voie (un passage en C3). Je suis bien installé dans le hamac, protégé par un surplomb, mais du coup je ne peux pas voir sa progression. En attendant, je me fais une séance photo genre « beau gosse qui flâne à 700 m de hauteur », mais le résultat n’est pas ce que j’attendais (la paroi n’est pas assez haute). En tendant le bras au-dessus du surplomb, j’arrive à prendre quelques photos de Fab. Ce n’est pas du grand art, mais au moins j’arrive à voir où il en est. Il avance, doucement, mais il avance… J’ai hâte de reprendre la grimpe car je commence à avoir froid malgré la doudoune.

« Relais » crie Fab. Merde… Perdu dans mes pensées, je n’ai rien préparé pour envoyer les sacs. Je m’active pour ranger tout le matos et nettoyer le relais. Tout de suite, j’ai déjà plus chaud. Dès que les sacs sont partis, je commence à remonter la longueur de Fab pour déséquiper. Quand je sors du surplomb, c’est la surprise. Wouha ! Une superbe dalle raillée d’une fine fissure, c’est magnifique. Le passage difficile était déjà équipé de trois bird peak. Fab est passé en les utilisant mais ne les a pas clippés sur sa corde pour ne pas les arracher en cas de chute. C’est bien pensé, et même temps, il ne faut pas tomber, parce que dans ce cas le vol est bien long…

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Je reprends la suite. Je commence par une fissure sous un surplomb, pas très commode. Je débouche sur belle plateforme. La suite continue avec une fissure plus large. Je me tourne vers Fab pour lui demander de m’envoyer des gros friends et je réalise que j’ai oublié de prendre la ligne de vie ! Grosse galère, comment vais-je récupérer du matériel à distance ??? Je m’en veux d’avoir fait cette bêtise. Maintenant, je suis obligé de redescendre. Je place deux friends dans une fissure, et fais un couplage pour répartir mon poids sur les deux points avant de redescendre en moulinette. La manœuvre se passe bien, et j’arrive à retourner sur la plateforme sans souci. Je grimpe la fissure qui se termine dans un rocher surplombant. La fissure est  bouchée. Il y a deux « copper heads » en place, ce n’est pas rassurant, car je dois faire un pendule à gauche pour finir la longueur. Je tente de mettre deux pitons que je couple ensemble, ils sont très douteux. Je suis à peu près certain de tomber si je pendule dessus. J’observe alors plus attentivement ce que j’ai autour de moi, et aperçois un spit un peu plus haut sur la gauche. C’est loin mais il faut tenter le bâton de tricheur. Fab me l’envoie. Puis, je me hisse le plus haut possible sur mes deux pitons. Je suis à bout de bras, j’arrive tout juste à approcher le spit avec le bâton télescopique. Ma main tremble, je rate plusieurs fois mon coup. Après plusieurs longues minutes dans cette position inconfortable, j’arrive enfin à clipper le spit. Ouf ! Je me hisse sur les sangles et atteins le relais, une belle vire « awesome portaledge bivi » comme mentionné sur le topo. Fab me rejoint.

Nous décidons de préparer le bivouac sur ce relais. Il y a plein de spits pour s’assurer et la vire est idéale pour se poser et admirer la vue. Pendant que Fab grimpe la longueur suivante pour gagner du temps sur le lendemain, j’organise notre bivouac. A chaque fois que je traverse la vire, j’entends un bruit sourd « Clonc ! ». Au début, je n’y prête pas attention, mais à force d’entendre ce bruit, je finis par me poser des questions. Je baisse le nez, et réalise que la vire n’est pas si homogène que ça. En fait, un gros bloc d’au moins 60 kg est juste poser dans la continuité de la vire, mais il est instable. Je regarde plus bas et constate avec effroi qu’il va bientôt tomber. Merde ! Il y  a plusieurs cordées en dessous qui grimpent dans le Nose et Salathé. Si ce bloc part, il y aura de la casse. Quand Fab redescend, je lui expose la situation. Malheureusement, il n’y a rien que nous puissions faire pour sécuriser ce bloc. Nous condamnons un tiers de notre fantastique vire pour éviter de marcher dessus…       

Le soleil se couche. Nous sommes assis sur notre restant de vire en train de déguster des galettes de maïs (un vrai régal après 5 jours d’artif) avec le portaledge fixé au-dessus de notre tête. On va bien dormir.  

 

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Commentaires
P
Le rocher et les longueurs ont l'air extras ... sur les photos en tout cas :)
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