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Muir Wall Yosemite
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3 juillet 2016

Jour 7: L'ascension finale

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PHOTOS

Ecrit par Chapi.

Il a plu et venté toute la nuit. Avec la tente fermée, l’humidité s’est condensée contre la paroi intérieure, et du coup, le duvet de Fab est trempé. J’ai du mal à me motiver à sortir. J’entends encore la pluie frapper contre la tente et comme je dois grimper la prochaine longueur en libre, je ne suis pas pressé de me retrouver dans la galère. Au bout, de quelques minutes, je me dis qu’il faudra bien sortir à un moment ou un autre. J’ouvre alors la tente. Il pleut mais pas autant que je le pensais. Allez, on sort pour le petit dej. Pendant que nous mangeons nos miettes de muffins écrasés, nous scrutons l’horizon. Visiblement, il pleut à peu près partout. Je me prépare à deux à l’heure. La pluie semble s’arrêter mais je ne me sens toujours pas motivé. Quand finalement vient le moment de se lancer, je tâte le rocher et constate avec plaisir que le granit n’est pas trop glissant. Je remonte la corde fixe laissée par Fab la veille. « Le relais est pourri, je l’ai renforcé avec des friends » me dit-il.  Quand j’arrive en haut, la situation ne me rassure pas. Je dois tout déséquiper pour faire ensuite un pendule sur ce relais merdique. Je le renforce en ajoutant quelques sangles entre les deux vieux pitons et le petit coinceur douteux qui forment ce relai. Puis je ramasse tout notre matériel que je renvoie à Fab.

C’est parti pour le pendule vers la gauche. J’y vais doucement pour ne pas brusquer le relais. J’atteins une belle fissure une dizaine de mètres en contre-bas. J’y place deux friends pour m’assurer, enfile mes chaussons d’escalade et rappelle ma corde. Maintenant, c’est la grimpe en libre. C’est assez facile mais après plusieurs jours de grimpe en artif, je ne peux m’empêcher de serrer les prises très forts. Au bout de cette fissure, je trouve un autre piton sur lequel je dois encore faire un petit pendule. Cinq mètres plus bas, il y a encore une traversée en adhérence, courte mais pas évidente. Je trouve un emplacement pour un petit friend. Avec toutes ces manipulations, j’ai malheureusement réussi à faire un Z avec ma corde d’assurage, si bien que je dois en plus gérer un gros tirage. J’avale de la corde pour faire ce pas en adhérence. Ce n’est vraiment pas facile. Du coup, je tente de passer un peu haut où j’espère trouver quelques prises de mains sur un plat au-dessus de ma tête, j’avance les pieds, puis les mains. « Tiens, y a pas de prise de main sur ce plat ??? » je trouve seulement un petit graton sur lequel, je fais un changement de main, mais rapidement je réalise que je suis dans une impasse. Je tente de faire demi-tour… et trop tard… je chute… heureusement le petit friend m’a retenu. Je ne suis tombé que de cinq mètres.

Deuxième tentative. Je profite de mon petit friend en tirant sur sa sangle pour me décaler autant que possible sur la gauche. Ce petit point d’aide me permet d’atteindre la belle terrasse qui mène tranquillement au relais. Super ! Je me sens mieux.

Maintenant que faire. Sur le topo, il est conseillé de laisser les sacs au relais précédent pour ensuite les hisser depuis le relais au-dessus de notre tête. Mais avant d’atteindre ce relais, je dois encore grimper une longueur en C2. Un petit calcul des longueurs en jeu me permet d’estimer que nous devrions avoir assez de corde statique pour laisser une partie sur les sacs et gérer le transfert de matos dans la longueur suivante. Je crie à Fab de laisser les sacs au relais.

Il s’arrange pour les accrocher en bout de corde de manière à ce qu’ils puissent se lever sans s’emmêler. Il faut aussi qu’ils soient suffisamment bien posés pour ne pas tomber dans le vide alors que l’on grimpe.

Fab remonte ma corde et peste quand il voit que j’ai fait un Z. Cela lui complique la tâche pour déséquiper. En plus, il doit faire très attention à ce que la corde statique ne se coince pas derrière une écaille qu’il a repéré. Dès qu’il me rejoint, je repars dans la longueur suivante. J’arrive à grimper une bonne partie en libre. Il n’y a qu’un seul pas compliqué que je passe en artif avec un petit friend. La paroi se couche, j’aperçois la fin. Après 15 mètres de marche, j’atteins le relais. Les difficultés sont terminées.

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Pendant que Fab déséquipe la longueur, je m’assoie sur les dalles et admire le paysage. Je me perds dans mes pensées. Quelle chance d’être ici, que c’est beau et quelle aventure. ON L’A FAIT ! Bientôt, nous retournerons à la civilisation. Je repense à Lorraine, aux enfants. Ils me manquent. Quand Fab arrive, il me voit ainsi immobile et me lance un peu inquiet « Ça va ? ». Je réponds par un petit « oui » avec la gorge serrée. En fait, je suis envahie par l’émotion. Je suis vraiment trop content d’avoir réussi et d’avoir partagé cela avec Fab. Il me rejoint ; s’en suit une séance d’autocongratulation et de photos.  

Nous arrivons à hisser nos sacs comme prévu. Génial ! Puis nous les refaisons entier, car nous devons les porter pour la dernière longueur qui n’est pas assez raide pour permettre un hissage. Nous  laissons quatre bidons d’eau pour de futurs assoiffés. Pendant ce temps, la pluie fait de nouveau son apparition. Au moment de repartir, les dalles débonnaires qui mènent à la sortie de la voie se sont transformée en canyoning. Hors de question de grimper en libre maintenant. Fab pose son sac, tire une longueur puis m’assure. Remonter ces dalles avec 30 kg sur le dos n’est pas une partie de plaisir. La pluie se renforce, et je sens l’eau couler dans mon dos. Fab redescend chercher son sac et nous nous marchons vers le sommet.          

 Arrivés au sommet sous l'orage, il fait froid et nous sommes trempés jusqu'au slip. Le retour en vallée est une épreuve de résistance physique: 5 heures de marche sous la pluie avec des sacs de 30 kg sur le dos après 7 jours de grimpe dans El Capitan. Chaque arrêt est un soulagement pour le dos mais immédiatement les tremblements de froid nous gagnent. Enfin nous retrouvons la civilisation. Nous n'avons qu'une seule envie prendre une douche et dormir au sec. Mais petit soucis, pas moyen de communiquer avec Sergio qui a la voiture. Du coup l'aventure continue. Nous sommes sans voiture, sans argent, sans papiers d'identité, sans téléphone (plus de batterie) et il est environ 18h. Il nous faut une solution rapidement. Notre allure interpelle les gens qui nous questionnent sur notre aventure. La phrase magique est “nous avons gravi El Capitan, et nous n'avons plus rien”. Si bien que certains nous prêtent des chargeurs de portable, nous donnent de l'argent, et nous réussissons même à nous obtenir une tente à Curry Camp (mais obligés de remettre nos habits sales et trempés après la douche). Puis, les SMS pleuvent sur les téléphones. Sergio nous a laissé la voiture avec les clefs au Majestic Hôtel (anciennement Ahwahnee hôtel). C’est l’hôtel de luxe de la vallée. On fonce la récupérer et nous célébrons notre succès en engloutissant des pizzas bien grasses et des bières. Bref, après 7 jours de survie, nous redécouvrons les petits plaisirs simples de la vie.

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